Sinnepoppen

Les Sinnepoppen désignent à la fois les gravures accompagnées d’une devise ou d’un dicton mais aussi un livre d’emblèmes publié en 1614 par un prospère négociant hollandais Roemer Visscher. Associant texte et image, l’emblème est un genre littéraire nouveau qui se développe à la Renaissance et connaît une grande fortune dans l’Europe humaniste. Nécessitant un vocabulaire usuel, ils séduisent les artistes par leur faculté « de peintre la parole et de parler aux yeux ». Dans les versions illustrées, ils se présentent sous la forme d’une triade constituée de trois parties caractéristiques : le titre (motto), l’image (pictura) et le texte explicatif (subscriptio). Particulièrement présents durant le Siècle d’or hollandais, ils constituent une aide capitale pour la lecture de certaines oeuvres. 

Pour plus d’informations voir The Emblem Project Utrecht 

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Stadhouder

Équivalent du latin médiéval locus tenens, le mot stadhouder désigne celui qui représente et commande en l’absence du chef. On le retrouve dès le XIIIe siècle dans les Pays-Bas avec pour rôle de gouverner une province par délégation et au nom du souverain. Mais ce n’est que sous Philippe le Hardi que sa fonction sera établie et sous Charles Quint qu’elle sera codifiée. Dès lors, il siègera au Conseil d’Etat et présidera le Collège de justice. Cependant, à partir de 1566, la rébellion des provinces néerlandaises conduiront au retrait de certains membres et progressivement à un refus d’autorité vis-à-vis du roi d’Espagne. 

Pour plus d’informations : DIBON, Paul, « Stathouder ou Stadhouder » in Encyclopædia Universalis [en ligne]

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Le genre de Marine dans la peinture néerlandaise

     De tout les temps, les peintres hollandais sont considérés comme des paysagistes. Ils sont d’autant plus reconnus pour leurs peintures de marines. Mais qu’appelle t-on par peinture de marine ? Selon Albrecht Dohmann, il s’agirait d’un genre indépendant qui naquit au départ en Angleterre. Il faut bien préciser le terme de genre indépendant car en Italie, modèle suprême pour les artistes néerlandais, le paysage marin ou paysage tout court n’est considéré que comme un élément de décoration pour les scènes bibliques ou de la vie des Saints mais non pas comme un genre à part entière. Mais nous pouvons remarquer que comme le paysage, la peinture de genre et la nature morte, la peinture de Marine naît chez les Flamands et grâce aux Van Eyck avec par exemple les Heures de Turin, qui est la représentation de bateaux échoués sur la grève et où les vagues, le remous, secouant la barque de Saint Julien témoignent d’une sensibilité et d’une attention aux choses de la mer. On a donc une première approche de la peinture de marine montrant son coté violent avec une mer agitée qui fait tant rêver. Mais une autre question se pose, comment les artistes ont-ils une telle conscience de cette mer ? Il faut tout d’abord savoir que la grande majorité des peintres de marines sont au départ des marins où, ont vécu leurs enfances dans le milieu marin. Il en est ainsi pour le peintre Guillaume Van den Velde qui fut influencé par Hendrick C. Vroom, peintre de Marine qui fit apparaître la mer comme sujet principal du tableau. Mais pourquoi ce genre est-il apparu dans la peinture néerlandaise ?

     Les Provinces Unies ont fondé leur richesse sur le commerce maritime. De plus, elles sont témoins de diverses guerres navales contre la Grande-Bretagne et l’Espagne. Ce à quoi s’ajoutent les découvertes humanistes qui ont favorisé l’expansion de ce thème. Par conséquent, il n’est pas étonnant que les marines soient énormément populaires dans ce pays. Par ces dimensions politiques et économiques, il est évident que les peintres hollandais sont davantage confrontés à une expérience de la mer plus sensible et plus personnelle. Car la mer fait partie du quotidien, les peintres hollandais n’hésitent plus à embarquer sur des navires pour avoir un point de vue réaliste. Cela rejoint l’idée du peintre marin qui a une certaine connaissance du monde marin qui l’entoure. On pourrait développer cette idée avec plusieurs tableaux notamment celui d’Albert Cuyp s’intitulant Le port de Dordrecht et datant de 1660.

     Albert Cuyp est un peintre hollandais né en 1620 à Dordrecht et mort en 1691. Il nous présente dans cette œuvre, le port de son enfance dont il a une connaissance véritable et qui lui permet de le représenter avec une réalité historique pour ne pas dire artistique. On y voit aussi une rangée de bateaux, naviguant sur la mer calme du port de Dordrecht. Il serait plus probable de les identifier comme étant des bateaux marchands plutôt que comme des navires de guerre. Albert Cuyp représente cette « armée » de bateaux de marchandises avec élégance, dans une harmonie de couleurs claires propre au style du peintre, pour ainsi être en harmonie constante avec le ciel élément caractéristique du genre de marine comme celui du paysage pour ainsi élever la nature au rang symbolique du ciel.

On retrouve cette eau calme et ce rapport au ciel qui est important un an plus tard avec Salomon Van Ruysdael, peintre hollandais né en 1600 et mort en 1670, qui nous présente ces caractéristiques dans son tableau de 1661, Paysage Maritime.

     En effet, Ruysdael nous présente un fleuve avec une barque de pêcheur flottant sur une eau calme. La palette reste dans des camaïeux de gris, beige, blanc permettant encore une fois d’être en harmonie avec le ciel qui s’établit sur la quasi-totalité du tableau. Mais ici la barque est presque représentée comme une silhouette en contradiction avec le tableau de Cuyp qui nous détaille la forme du tableau, jusqu’à, en détailler l’équipage. On considère Ruysdael comme un spécialiste des rivières. Plusieurs spécialisations vont être dénotées dans la peinture de marine. En effet, une autre spécialisation va être présente dans ce genre, il s’agit des scènes historiques contemporaines. Reinier Nooms, peintre hollandais né en 1623 et mort en 1667. Dans son œuvre, Avant la bataille des Downs, datant de 1639, il représente l’Amelia, le navire-amiral de Maarten Tromp, amiral de la marine de la république des Provinces-Unies, se préparant à l’affrontement du 31 octobre 1639 avec les Espagnols durant la guerre de Quatre-vingts Ans.

     Cette fois-ci, la mer est représentée agitée pour accentuer la dramatisation de la scène et ainsi marquer le ton de la bataille. Le ciel est toujours aussi présent mais cette fois, il fait écho à la mer et est donc représenté dans des camaïeux de couleurs sombres avec notamment du gris et du noir ce qui change des couleurs claires que nous avons pu voir précédemment. Toute cette monochromie influence l’ambiance de la scène et met presque au premier plan la mer plus que la scène historique censée prendre tout l’aspect symbolique du tableau. On pourrait même penser à une exagération de cette mer qui dépasse l’entendement pour se concentrer sur une représentation symbolique et idéalisée d’une mer inspirante.

On retrouve cette même idée chez Bonaventura Peeters, peintre flamand, né en 1614 et mort en 1652. Il faut déjà savoir que Peeters n’a jamais compris la mer en repos, il vivait dans un ouragan, perpétuel. On peut le voir dans son œuvre Un port en orient, datant vers 1650-1652.

     Il représente bien une mer déchaînée par le vent près de forteresses. Quelques bateaux y sont représentés ainsi que quelques barques habitées. Le ciel est encore une fois très présent et reflète bien une tradition Hollandaise et flamande dans la représentation de paysage comme pour élever la nature au rang du ciel, du symbolique, du religieux. Pourtant cette exagération marque une nouvelle manière d’interpréter les scènes de marines car elles sont désormais élevées au rang de l’imaginaire de l’artiste. Mais cette nouveauté ne perturbe en rien la tradition du genre de marine. En effet, on peut même remarquer un certain repos dans sa représentation avec notamment l’œuvre de Willem Van den Velde, Le coup de Canon, datant de 1680.

     William Van den Velde est un peintre néerlandais né en 1633 et mort en 1707. Il est reconnu pour sa fidélité de représentation de la mer et des bateaux en beau temps comme en tempête. Ici, un coup de canon retentit sur la mer calme, reposée. Un contraste est donc en jeu. Il s’agit sûrement de jouer avec la dramatisation de la scène en laissant la mer comme guide spirituel et maîtresse du tableau. Il est vrai que les bateaux représentés sont écrasés par le ciel et la mer qui prend la quasi-totalité encore une fois du tableau. On peut néanmoins dénoter un sens du détail  de la représentation des bateaux, poussé à l’extrême nous montrant encore une fois la grande connaissance des artistes sur le monde maritime.

     Pour conclure, nous pouvons dire que le genre de marine a évolué au fil du temps pour ainsi devenir un genre indépendant. Il peut se diviser en différentes spécialités comme lui-même, sous-genre du paysage. En effet, on peut y retrouver des scènes de la vie quotidienne faisant référence à leur savoir sur le milieu marin ; mais aussi les sujets historiques contemporains ainsi que les scènes idéalisées de cette mer que l’on pense si bien connaître. Ainsi, au-delà de la vision historique, et sociale, les peintres se laissent porter par le pouvoir imaginatif et fascinant de la mer.

Mathilde Godet

Webographie:

-DOHMANN Albrecht, Les événements contemporains dans la peinture Hollandaise du XVIIe siècle, Revue d’histoire moderne et contemporaine (1954-), T. 5e, No. 4 (Oct. – Dec., 1958), Consulté le 25 Avril 2015.URL: http://www.jstor.org/stable/20527211Accessed

-HOUSSAYE Arsène, Histoire de la peinture flamande et hollandaise, source : bibliothèque nationale de France, département de la littérature et des arts, V-2697 (2010), édition Jules Hetzel, Paris, 1846, consulté le 25 Avril 2015. URL : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb403679817

-LA COSTE-MESSELIÈRE Marie-Geneviève de, « MARINE, genre pictural », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 24 avril 2015. URL: http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/marine-genre-pictural/

-BOUTON J. , « CUYP LES », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 24 avril 2015. URL: http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/les-cuyp/

– Site de Wikipédia sur la peinture néerlandaise des marine. Consulté le 25 Avril 2015. URL: http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%82ge_d%27or_de_la_peinture_n%C3%A9erlandaise#Les_marines

– Dossier d’exposition sur la Flandre et la mer au musée de Flandre à Cassel. Consulté le 25 Avril 2015. URL:  http://srhlf.free.fr/cpt.php?idevent=74

– vidéo sur une exposition. Consulté le 25 Avril 2015. URL: http://www.youtube.com/watch?v=7LsasnV2Y9I

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Astrolabe

Astrolabe :  instrument de navigation d’origine arabe qui permettait de déterminer les heures par rapport à la position des astres.

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L’astronome de Vermeer : la poursuite de la connaissance

Vermeer, 1668, huile sur toile, Musée du Louvre, Paris.

Vermeer, 1668, huile sur toile, Musée du Louvre, Paris.

Au plus près de l’oeuvre :

L’Astronome est une huile sur toile de petites dimensions peinte par l’artiste hollandais Jan Vermeer en 1668. Ce tableau a pour sujet un savant à l’étude, éclairé par une lumière douce et latérale. Certains historiens de l’art reconnaissent en cet homme la figure d’Antonie van Leeawenhoeck, un naturaliste hollandais du XVIIème siècle. Vermeer choisit de traiter son thème non pas de façon narrative comme il était coutume de le faire en Italie mais plutôt de façon descriptive en représentant un homme entouré d’objets ordonnés. Cette œuvre permet de poser la question de la place des sciences dans l’iconographie et tout particulièrement de celle de l’astronomie qui connaissait une certaine renommée depuis le XVIème siècle, succès qui va ainsi se confirmer au XVIIème. Nous tenterons dans cet article de déterminer l’impact de cette science sur la nouvelle conception de la place de l’homme dans l’univers et de saisir la portée morale d’une œuvre qui, à première vue, en était dépourvue.

L’astronome, la science et l’individu

Le savant à l’étude est un thème récurrent de la peinture hollandaise, il fait échos aux avancées scientifiques de l’époque. Au XVIIe siècle, l’apparition des lunettes offre aux savants et aux peintres un champ d’exploration inédit, elles permettent d’apprivoiser le ciel. L’avènement de Galilée et de l’héliocentrisme fait prendre conscience à l’homme de sa place, de nombreux scientifiques tentent alors par divers moyens de comprendre cette nouvelle position. Les contemporains vont ainsi commencer à étudier le monde qui les entoure. L’individu tente de comprendre la place qu’il occupe dans un vaste ensemble en essayant de le maîtriser par les cartes, les instruments de mesure ou encore les livres d’astronomie, de cosmologie ou de géographie. Dans le tableau de Vermeer, l’astronome est absorbé par sa tâche, il ne laisse aucune place au spectateur. Il choisit d’accorder toute son attention au globe placé devant lui  sur lequel il a posé sa main, le livre ouvert sur la table sert de guide pour comprendre les deux points qu’il mesure avec ses doigts. Ce geste est récurent dans les figures des astronomes, on en retrouve une alternative dans le tableau de Gerrit Dou qui choisit de traiter le clair-obscur comme son maître Rembrandt. L’astronome éclairé par la bougie, unique source de lumière, s’adonne à la mesure de la distance entre deux points à l’aide d’un compas tout en s’appuyant sur les informations que lui fournit le livre ouvert devant lui.

Dou,_Gerard_-_Astronomer_by_Candlelight_-_c._1665

Astronome éclairé par une chandelle, Gerrit Dou, 1650, huile sur bois, Getty Museum, Los Angeles

Les instruments du XVIIe siècle

Le tableau a fait l’objet de nombreuses études au cours des derniers siècles, ce qui a permis d’identifier avec précision chaque objet présent sur la table de l’astronome. Vermeer, dans un souci d’illusionnisme et d’exactitude, a représenté ces différents instruments à partir d’objets de musée qu’il avait empruntés ou simplement observés sur place. Le livre devant le personnage a ainsi pu être identifié comme la seconde édition du Manuel de Géographie et d’Astronomie d’Adriaen Metius de 1621 ouvert aux deux premières pages du livre III Observation des étoiles. La page de droite est couverte de texte, celle de gauche illustre l’utilisation de la roue de l’astrolabe présent à la base du globe devant le personnage. Ce livre était destiné aussi bien aux amateurs qu’aux professionnels et  proposait un enseignement de l’utilisation des instruments liés à l’astronomie et à la géographie. Ces deux disciplines dépendaient d’une branche plus large nommée « cosmologie » et étaient bien plus complémentaires au XVIIe siècle qu’elles ne le sont aujourd’hui. En effet, l’astronomie était indispensable à la confection des cartes, puisqu’elle permettait de déterminer la latitude en pleine mer, par exemple. Dans l’introduction de son livre, Metius recommandait l’emploi des globes de Willem Jansz Blaeu, cartographe et éditeur à l’origine de la publication de cette seconde édition. Cependant, le globe qu’a choisi de représenter Vermeer dans son tableau est celui d’un concurrent direct de Blaeu : Jodocus Hondius. La connexion entre l’astrolabe, le globe et la section du livre est rendue par un lien plastique dans l’œuvre, les trois objets sont en contact les uns avec les autres.

Le Géographe, un pendant de ce tableau ?

Jan Vermeer, 1668-1669, huile sur toile, Stadelsches Kunstinstitut, Francfort-sur-le-Main

Jan Vermeer, 1668-1669, huile sur toile, Stadelsches Kunstinstitut, Francfort-sur-le-Main

L’Astronome a souvent été mis en lien avec Le Géographe et ces deux tableaux ont longtemps été considérés comme formant un diptyque cohérent. En effet, ils sont tous deux de la même taille et ont été peints au même moment. Même si cette hypothèse a été réfutée, ces deux œuvres présentent certaines similitudes intéressantes. Tout d’abord, ils constituent ensemble les deux seules représentations d’une figure masculine isolée de l’artiste. La composition et le choix de la palette chromatique très proches de ces deux tableaux, font de ces œuvres un dérivé profane du thème de Saint-Jérôme en étude.

Albrecht Dürer, 1514, burin, Dresde

Albrecht Dürer, 1514, burin, Dresde

Une lecture plus morale

Ceci nous conduit donc à la dernière interprétation qu’il est possible de faire de ce tableau. Nous avons vu précédemment que l’on pouvait l’envisager comme un tableau descriptif d’une époque où l’homme tentait de trouver sa place, il est cependant possible de donner une interprétation morale à ce tableau qui en semblait pourtant dépourvu. La peinture située contre le mur dans l’Astronome représente Moïse sauvé des eaux de Peter Lely. Moïse est considéré au XVIIe siècle comme le plus vieux géographe du monde du fait de ses nombreux voyages et descriptions de l’Egypte à la Terre Promise.  La présence de ce tableau serait à mettre en rapport avec le passage du livre ouvert selon lequel « les enfants de Seth n’auraient pas seulement fondé la science des étoiles et la connaissance des paradis mais se seraient aussi assurés qu’elles soient  transmises aux descendants »¹.

Par ailleurs, le tableau occupe la même place que la carte maritime encadrée dans le Géographe. Moïse et le support de la carte maritime mis en parallèle sont à comprendre comme des guides spirituels de l’homme à travers la vie. Finalement le tableau Moïse sauvé des eaux apporte une valeur emblématique à la toile de Vermeer. On s’éloigne peu à peu de la pure description pour l’allégorie.

Le tableau L’astronome de Vermeer prend alors une nouvelle signification et place le scientifique comme le guide spirituel de l’homme à travers l’existence.

Conclusion

L’Astronome de Vermeer offre plusieurs approches suivant les degrés de lecture. Il est possible d’y voir la description minutieuse propre à l’art hollandais d’un savant dans son office entouré d’objets scientifiques, ou encore la figuration d’une époque qui change, où l’homme tente de se faire une place et de maîtriser ce qui l’entoure. Finalement, ce tableau se teinte d’une valeur moralisante et illustre bien l’hésitation de cette époque qui n’ose se détacher totalement d’une conception divine du monde pour se diriger vers une pensée rationnelle et qui tente de se raccrocher à une compréhension rassurante du monde perçue à travers un prisme moral.

Clothilde Bollard-Duval

Bibliographie

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Entre lyrisme et sensualité : Les trois Grâces de Rubens

Né en 1577 et mort en 1640, Pierre Paul Rubens figure parmi les maîtres flamands les plus appréciés de son temps. Fils de juriste, il reçut une éducation humaniste qui lui permit de fréquenter les plus grandes cours européennes. Commençant son apprentissage à l’âge de quatorze ans auprès de maîtres anversois parmi lesquels Otto van Veen, il intègre en 1598 la Guilde de Saint-Luc. Véritable perfectionniste, il quitte finalement Anvers pour l’Italie afin d’étudier les œuvres de nombreux artistes de la péninsule. Cet apprentissage aura des répercussions jusque dans les derniers œuvres du maître et c’est ce que nous allons voir avec Les trois Grâces. Peinte vers 1635, cette huile sur bois de 220,5 x 182 cm fut acquise à la mort du peintre par Philippe IV et aujourd’hui conservée au musée du Prado.

À l’origine : le mythe

Les Charites (du grec Χαριτες) ou Grâces chez les Romains figurent dans de nombreuses sources antiques comme l’Iliade d’Homère ou encore la Théogonie d’Hésiode. S’accordant généralement sur le nombre de trois, les premières tensions apparaissent lorsqu’il s’agit de proposer une filiation. Tantôt filles de Zeus et d’Eurymone, elles sont parfois affiliées à Dionysos et Coronis. C’est pourquoi, il est impossible de porter un jugement définitif sur ces figures mythologiques et l’étude des textes est primordiale pour saisir les nuances qui existent entre les  jeunes femmes.

La première, Euphrosyne, incarne la joie de vivre, les plaisirs, tandis que ses soeurs Thalia et Aglaé, personnifient respectivement l’abondance et la beauté. Vivant au cœur de l’Olympe, elles sont au service d’Aphrodite, la déesse de l’amour et de la beauté. D’abord voilées, elles se dénudent progressivement dans l’iconographie et fusionnent au sein d’une ronde joyeuse. Toutefois, elles peuvent revêtir d’autres sens comme chez Seznec qui les rapproche dans  son livre La survivance des dieux au rythmes ternaires de la générosité : donner, recevoir et rendre. Cette hypothèse provient surement d’un commentaire de Servius sur l’Eneide de Virgile qui considère : « La grâce de dos comme une personnification des bénéfices ». 

L’arrivée du néoplatonisme aura également des retombées importantes dans la traduction des mythes et de leurs figures. Ainsi, dès le XVIème siècle, elles incarnent les trois aspects de l’Amour avec la volupté qui se livre au regard, les cheveux défaits, la chasteté et au centre comme médiatrice, la beauté.

Un artiste cultivé

Rubens est avant tout un homme de cour, cultivé et collectionneur. Cela explique sans doute la profusion de biographies à son sujet et bien que Karel Van Mander, célèbre pour son Het Schilder-Boeck décéda avant l’arrivée du peintre, de nombreux critiques étrangers se chargèrent du travail. Fréquentant le cercle intellectuel de Moretus, Rubens redécouvre alors les auteurs antiques, les mythes et l’Histoire. Par ailleurs, l’essor de l’imprimerie dans les Pays-Bas espagnols permirent la publication de nombreux ouvrages qui figurent parmi les lectures des artistes.

Ainsi, la présence des trois femmes, liées par le délicat voile qui s’enroule autour de leurs corps nusoffre au spectateur la vision d’un moment privilégié. Au centre de l’œuvre, mises en avant par un drapé tendu, un arbre et une fontaine sculptée, elles se dévoilent dans une atmosphère rendue intime. La présence de ces éléments envisage une harmonie entre les éléments. Symbole de la pureté, l’eau jaillissant de la jarre rappelle ici la virginité de ces femmes. Enfin, Rubens place judicieusement les Grâces sous une guirlande de roses, fleurs qui leur sont généralement attribuées.

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Un souffle de vitalité 

Ces détails sont donc autant d’indices dissimulés afin de comprendre qui sont ces femmes. Toutefois, leurs poses empruntées à la sculpture classique ainsi que la carnation ambrée de leurs chairs révèlent les intérêts du peintres pour les artistes italiens comme Raphaël. En effet, le modèle le plus courant pour les représenter vient de ce dernier avec l’une de dos et les deux autres tournées. Toutefois,, Rubens ne s’attarde pas sur leur distinction et cela peux s’expliquer par la recherche d’une union parfaite entre les trois femmes dont les regards attendris en disent long. Evocation de l’amour charnel, il est alors essentiel de revenir sur un épisode de sa vie privée. En effet, cette toile inaugure une nouvelle jeunesse retrouvée après son mariage en 1630 avec Hélène Fourment dont on reconnaît le visage dans la figure de gauche. Cette dernière, admirée pour sa beauté posa de nombreuses fois pour le peintre comme dans la Petite Pelisse.

Cette recherche de vitalité marquera désormais les œuvres de la maturité du peintre et se traduit ici par la puissante diagonale qui coupe la toile et l’étude de la chair. Cette dernière, souvent moquée, nécessite pourtant une analyse approfondie de l’anatomie et de la sculpture. C’est d’ailleurs ce que fera Roger de Piles dans son Cour de Peinture par principes en 1776 où, en grand admirateur du peintre, il énonce des notions clés. Rubens fuit avant tout la pesanteur et la rigidité du modèle plastique et cherche à exprimer par les moyens propres à la peinture, la couleur et la souplesse naturelle de la peau.

Loin de se détourner de la sculpture antique, le peintre fait ici la synthèse de ce qu’il appris des  Italiens et conserve une rigoureuse technique quand il s’agit de représenter les femmes dont les corps se composent principalement de ronds et d’ovales. Malgré cela, nous sommes encore surpris par l’effet particulier de ces derniers dû notamment au rendu de la peau. Ces « imperfections » accentuées par les ombres sont pourtant nécessaires pour donner l’illusion d’un être de chair, palpable. Le modelé fondu, les lignes souples rappellent que dans l’idéal de Rubens, les femmes incarnent la santé, la fécondité.

Un jeu d’harmonie

Cette sensation de profond bien être est d’ailleurs poussé à son paroxysme par le traitement chaud des couleurs qui rappelle l’admiration du peintre pour les Vénitiens comme Titien. Dans un camaïeu de bruns, de roses et de verts, le spectateur se place dans une atmosphère apaisante où la nature occupe une place de choix. Légèrement en hauteur, on découvre un paysage qui prend place dès le seuil du tableau et s’étend jusqu’à l’horizon.

Ce dernier peint dans un soucis naturaliste typiquement flamand évoque les nouveaux intérêts du peintre pour ce genre. Usant de la perspective atmosphérique, Rubens nous révèle une nature abondante dans laquelle cohabitent animaux et divinités. Toutefois, une première ambiguïté traverse l’esprit du spectateur par la nature même de ce paysage. S’agit-il d’une  représentation de l’Olympe, d’un paysage arcadien ou encore d’une prise de vue réelle ? La réponse se trouve peut-être au sein même de l’oeuvre en la présence de vêtements, pendus le long d’une branche, qui appartiennent au XVIIème siècle. L’identité de ses femmes reste donc mystérieuse et c’est ce qui contribue à son succès. 

Finalement, Les trois Grâces soulève encore aujourd’hui de nombreuses questions. Summum des réflexions du peintre, la toile s’inscrit dans un long travail de recherches. Profondément baroque par sa vitalité, son mouvement et la recherche d’illusion, elle figure parmi les œuvres mythologiques les plus étudiées de Rubens. Véritable hymne à la vie et à la joie, elle inspirera de nombreux artistes.

Magalie Lepoire

Webographie

FEBVRE, Lucien, « Jean Seznec, La Survivance des dieux antiques », in Annales. Economies, Sociétés, Civilisation, 1556, vol. 11 [consulté le 21 février]

Dictionnaire de la mythologie

HEINICH, Nathalie, « Quelle vanité que la peinture », in Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 28, juin 1979, pp. 77-78 [consulté le 22 février 2015]

Site du Musée national du Prado

MALANDAIN, Pierre, « L’histoire qui se prend par les yeux.. » : Michelet et Rubens, in Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 29e année, 1974. pp. 349-367 [consulté le 22 février 2015]

MICHIELS, Alfred, Rubens et l’école d’Anvers, H. Loones, Paris, 1877  [consulté le 21 février]

WAUTERS, Alphonse-Jules, Le peinture flamande, May et Motteroz, 3ème édition, Paris, 1883 [consulté le 21 février 2015]

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L’eau dans la peinture nordique

L’eau est l’un des quatre éléments avec l’air, la terre et le feu. Ces éléments sont associés , dans l’Antiquité, à quatre dieux dont l’eau est associé à Neptune, dieu de la mer. De plus, l’eau peut être représentée de plusieurs manières comme nous allons le voir avec différents tableaux. Elle peut se manifester sous la forme d’eau de pluie, de mer, eau calme provenant d’un lac ou eau agitée des rivières ou de la mer. Mais le point commun entre toutes ces formes est que l’eau est nécessaire à la vie. Dans toutes les religions et plus particulièrement le christianisme, celle qui nous intéresse, l’eau est source de vie donc un symbole universel de la fécondité et de fertilité. Mais c’est aussi le symbole de la vie spirituelle car elle peut être représentée pour un baptême comme naissance spirituelle, ou pour symboliser la pureté ou la virginité comme dans l’Annonciation.

Il s’agit dans cet article de montrer différentes représentations de l’eau dans certains tableaux nordiques et d’en évoquer la signification.

L’eau blanche comme neige

     Certains artistes comme Pieter Breughel le Jeune décident de transformer l’aspect originel d’une scène pour en imposer une autre au spectateur. Ici il s’agit de transformer une scène religieuse en un événement de la vie quotidienne dans lequel la nature est omniprésente. 

     Pieter Breughel le Jeune, est un peintre brabançon de la Renaissance nordique et le fils de Pieter Breughel l’Ancien, né en 1564 à Bruxelles et mort en 1636 à Anvers. Il nous présente dans cette œuvre la scène du paiement de la Dîme ou du dénombrement de Bethléem reprise dans l’évangile selon saint Luc (II, 1-5) lors du premier recensement ordonné par l’empereur Auguste où chacun devait aller se faire enregistrer dans sa ville d’origine que Voragine reprend tout aussi bien dans La Légende dorée. Pourtant, Breughel s’éloigne quelque peu des sources originelles car il représente une scène de village envahi par la glace et la neige. La Vierge bien reconnaissable dans son manteau bleu porte déjà l’Enfant Jésus. Le groupe de soldat présent dans la partie supérieure droite du tableau annonce le massacre des Innocents ordonné par le roi Hérode, en même temps que le dénombrement. Cette scène semble donc évoquer l’épisode qui suit la fuite en Egypte. Par conséquent, l’artiste entreprend de peindre une scène religieuse à travers la peinture de genre pour certainement la rendre plus accessible au public. Ainsi, il créé une ambiance hivernale dans des camaïeux de gris et de bruns ou seules quelques touches de couleurs ressortent. L’eau est omniprésente dans cette œuvre créant cette ambiance hivernale sous différentes formes que ce soient la neige, la glace ou encore la brume.

Un paysage au fil de l’eau

     Au XVIe siècle, le paysage devient un genre en soi. Les peintres nordiques le considèrent comme un genre important leur permettant de prolonger la peinture de genre. Il en est de même pour Aelbert Cuyp, peintre paysagiste nordique de l’Age d’or, qui utilise l’eau comme un motif au même titre que la végétation ou les montagnes, créant ainsi un certain équilibre dans l’œuvre. De plus, l’eau permet de mettre en valeur la lumière, très importante chez les peintres flamands.

     Il s’agit d’un paysage, représentant une vue d’Utrecht autour d’une rivière. Aelbert Cuyp peint une ambiance flegmatique, où la lumière du ciel se reflète dans l’eau créant un lien entre ces deux éléments mettant ainsi en valeur le paysage en entier. Le paysage est représenté dans des camaïeux de gris et de bruns laissant par conséquent paraître une noble simplicité. L’eau fait ici concrètement partie d’un environnement naturel, calme, tranquille, reposant où se promènent les bateaux des pêcheurs introduisant ainsi l’activité des Hollandais à cette époque. Il s’agit ici de la concrétisation de la peinture de genre qui comme nous l’avons dit marque un tournant au XVIe siècle dans la peinture nordique. Nous pourrions tout aussi bien considérer cette œuvre comme une marine, un des « sous-genre » du paysage par la représentation de ces deux chalutiers.

L’eau comme allégorie

      L’eau est aussi représentée sous sa forme allégorique pour se focaliser sur son symbole au sein même de l’iconographie. Elle est représentée par les dieux de la mer où en rapport avec le l’environnement aquatique. C’est ce que nous propose Pierre Paul Rubens,  peintre flamand né en 1577 et mort en 1640, dans son Allégorie de la Terre et de l’eau, peinte vers 1618. Il en est de même pour un autre peintre flamand, Jan Breughel de Velours, fils de Pieter Breughel l’Ancien, né en 1568 et mort en 1625 qui nous propose une Allégorie de l’eau.

    L’eau ici est personnifiée par Neptune, le dieu de la mer, reconnaissable à son trident et à l’urne débordante sur laquelle il s’accoude. La terre, quant à elle, est personnifiée par la déesse Cérès, représentée sous les traits d’une femme nue à la beauté plantureuse. Éros y est représenté comme le symbole de l’Harmonie des éléments, indispensable à la fertilité de la nature à quoi s’ajoute la corne d’abondance.

     L’Allégorie de l’eau est représentée par la déesse Amphitrite tenant une branche de corail, naît du sang de la tête tranchée de Méduse par Persée lors de la libération d’Andromède sur son rocher. Dans l’iconographique religieuse, il est considéré comme protecteur contre le danger. Pour ce qui est de l’origine d’Amphitrite, elle est mentionnée dans l’Odyssée comme la divinité de la mer mais est absente dans L’Iliade. Elle est aussi maîtresse des monstres marins sans mentionner de liens avec Poséidon. Sur la droite, on voit des petits angelots jouer avec des coquillages. Il a voulu par là, faire passer son attrait pour la nature bien que celle-ci soit loin de la réalité. Cette allégorie fait partie d’une série de quatre tableaux avec le feu, la terre et l’air.

     Pour conclure, nous pouvons dire que l’eau est un élément important pour ne pas dire indispensable dans l’iconographie nordique. Cet élément se développe considérablement dans la peinture de genre, peinture de prédilection à partir du XVIe siècle. Mais on le retrouve aussi dans les œuvres mythologiques, sous sa forme allégorique. Il s’agirait donc de comprendre la multiplication des significations de l’eau qui fascine autant les artistes en général que l’on pourrait traduire par les différentes sources consultées par les artistes de cette période.

Mathilde Godet

Bibliographie et webograhie 

BATTISTINI, Mathilde, IMPELLUSO, Lucia, Le Livre d’or des symboles, hazan, Paris, 2012

Dossier d’exposition,  Le thème de l’eau dans la peinture, Musée des Beaux- arts de Caen [consulté le 23 Avril 2015]

Dossier du musée des Beaux-Arts de Caen, étude d’une oeuvre Paiement de la Dîme ou dénombrement de Bethléem, Pieter Brueghel le Jeune, 2012 [consulté le 23 Avril 2015] 

 

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Des médiateurs atypiques

Comme nous l’avons vu dans un précédent article, les animaux occupent une place importante dans la société et cela depuis l’Antiquité. Qu’ils soient représentés sur fresques ou mosaïques, de manière imaginaire ou naturaliste, ils incarnent au-delà des frontières terrestres et chronologiques, une vision du monde. De nombreux évènements bouleversèrent alors ces conventions figuratives et notamment l’avènement du christianisme qui donna à ces images de nouvelles significations. Ces dernières ornent désormais les toiles des plus grand maîtres que ce soient dans les scènes religieuses ou dans les natures mortes. 

Une relation dérangeante ?

Intimement liée aux préoccupations religieuses, l’œuvre de Jérôme Bosch révèle une grande partie des peurs et des tensions régnant au XVIème siècle. À l’intérieur de celle-ci, les animaux occupent une place de choix et cela pour des raisons aussi étranges que variées. En effet, depuis l’Antiquité, des traités de physionomie établissent des analogies entre le visage humain  et celui de l’animal. Il n’est donc pas rare à la Renaissance de comparer un animal à une personne afin de saisir son caractère. Ces considérations rapides amenèrent ainsi à afilier les personnes aux petites mâchoires à des êtres cruels et traîtres comme les serpents. 

Bosch n’est donc pas le premier à exploiter ces éléments mais la manière dont il les traite influencera de nombreux artistes et sa symbolique, mélange d’ésotérisme, de théologie et de folklore, questionne encore aujourd’hui les historiens de l’art. Usant de la physiognomonie c’est-à-dire du glissement et de la superposition des genres, il crée des êtres dérangeant comme l’homme-hérisson. Ce dernier, symbole de l’hérésie, conduit à une réflexion sur la nature même de l’être humain. Ce monde fait d’allusions et de symboles contraste alors avec les thèses humanistes qui émergent et sera sévèrement condamné en 1545 lors du concile de Trente mettant fin aux représentations « ridicules et superstitieuses ». Enfin, les animaux peuvent prendre avec le maître des proportions démesurées et insinuent alors un monde dégénéré, plein de vices et de péchés. C’est d’ailleurs ce qui se passe dans Le Jardin des Délices, triptyque évocateur où l’imaginaire de l’artiste se mêle aux réflexions eschatologiques. 

À l’origine du monde

Dans la Genèse, il nous est dit que le Créateur au cinquième jour façonne les animaux, commençant par les poissons et les oiseaux et terminant par la Terre. Très rapidement, ils sont différenciés selon leur appartenance au Bien et au Mal. On les retrouve alors dans l’épisode du Déluge avec l’envoi par Noé d’une colombe et d’un corbeau. La première revient avec une branche d’olivier, le second se laisse guider par son appétit.

Finalement, c’est en Occident avec la création de bestiaires que les animaux seront associés aux figures apologétique, mariale et christique. Ainsi, depuis la traduction de la Bible en latin par saint Jérôme (la Vulgate), la tradition intègre la vision d’Ezéquiel comme une révélation de l’image du Christ. Renvoyant à une symbolique complexe, le tétramorphe sera souvent repris dans la peinture d’Europe du nord notamment comme attributs des quatre évangélistes.

Quatre figures :

  • L’homme ou l’ange, tantôt associé à la puissance divine, à l’Incarnation et à  Matthieu
  • Le taureau, associé à la noblesse, à la Passion et à  Luc 
  • L’aigle, symbole de la rapidité, de l’Ascension et attribut de Jean
  • Le lion, symbole de la force divine, de la Résurrection et attribut de Marc

Des artistes cultivés

De nombreux artistes veillent donc au maintien de ses références et notamment les Flamands. Ainsi, Jan Van Eyck, dans La Vierge du chancelier Rolin, place dans un décor richement travaillé des fleurs de lis, symboles de la virginité de la Vierge et un paon. Ce dernier est l’élément le plus révélateur des allusions symboliques puisque dans la tradition chrétienne il est dit que sa chair est imputrescible. Toutefois, d’autres animaux comme le pélican ou encore le perroquet prennent place dans les peintures.

Le premier, peu courant dans la peinture néerlandaise, est généralement associé au sacrifice du Christ car selon la légende médiévale, les pélicans verseraient leur sang sur les corps morts de leurs petits afin de les ressusciter.

Au contraire, le perroquet est très présent dans l’iconographie flamande et hollandaise et notamment dans les scènes de Vierge à l’Enfant. Connu depuis l’Antiquité, il incarne aux yeux des médiévaux, la propreté et sera par la suite associé à l’image du Christ et de la Vierge qui ne peuvent être contaminés par le péché. De plus, lorsque son bec est peint ouvert et proche de l’oreille de la Vierge, il rappelle sa capacité à prononcer la parole Ave.

Les artistes usent alors parfois de stratagèmes pour faire passer des messages politiques et idéologiques. Les scènes représentant des animaux lors de combats peuvent alors prendre un tout autre sens si nous les observons de plus près. C’est le cas de Rubens qui dans La Chasse au Tigre met en scène Samson en bas à gauche triomphant d’un lion. Encore en proie aux tensions religieuses, l’artiste transpose avec force le passage où le héros vainc par sa foi la bête. Message qui raisonne particulièrement avec l’actualité et les conflits entre catholiques et protestants.

Les animaux ont donc aussi une place prépondérante dans les scènes religieuses et leur présence relève souvent d’une intention particulière. Qu’il s’agisse de Bosch, de Rubens et bien d’autres, ils deviennent un moyen de faire passer un message et renforcent l’impression d’un monde dans lequel tous les êtres vivants devraient apprendre de l’autre. 

Magalie Lepoire

Webographie

ARROUYE, Jean « Oiseaux à leur juste place dans les Annonciations des XIVe et XVe siècles » in Déduits d’Oiseaux au Moyen-Âge, Presses universitaires de Provence, 2009,  [consulté le 23 avril 2015]

BECCIA, Isabelle, Vanités, Musée des Beaux-Arts de Bordeaux  [consulté le 22 avril 2015]

Bibliothèque nationale de France, L’artiste et l’animal : de l’esthétique à l’étique, mai 2012 [consulté le 23 avril 2015]

Musée des Beaux-Arts de Rennes, Le bestiaire dans la peinture occidentale, 2006 [consulté le 22 avril 2015]

ROCQUET, Claude-Henry, «  Bosch JÉRÔME (1450-1460 env.-1516)  », in Encyclopædia Universalis [consulté le 24 avril 2015]

Site apparence, « Jérôme Bosch : le pinceau de l’imaginaire », [consulté le 24 avril 2015]

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De drôles d’oiseaux

Nous ne parlerons pas ici d’un bestiaire iconographique, ceci a déjà été fait précédemment, nous aborderons plutôt l’existence des Bentvueghels, littéralement « les oiseaux de la bande », un groupe d’artistes du Nord formé entre 1617 et 1620 à Rome qui semblait chercher une solidarité nationale. Ce groupe fut dissout un siècle plus tard, en 1720 par le Pape Clément XI L’exposition du Petit Palais Les Bas-Fonds du Baroque qui se tient jusqu’au 24 mai 2015 leur consacre toute une section. Nous tâcherons de comprendre dans cet article de quelle façon ces artistes nordiques aux mœurs légères installés à Rome ont pu créer une iconographie qui leur est propre. Nous verrons tout d’abord ce qui caractérise ces artistes puis nous établirons, à travers quelques exemples, les motifs  iconographiques qui permettent de les identifier.

La vie de la bande

Les Bentvueghels se plaçaient sous la protection de Bacchus, dieu du vin, de la fête et de l’altérité qu’ils célébraient dans les tavernes de Rome. Le choix de ce dieu qui représente également la fièvre créatrice révèle leur ambition artistique. Par ailleurs, l’altérité de Bacchus se retrouve dans les genres traités par ces peintres nordiques. En effet, ils se divisent en deux grandes catégories, d’une part on  y trouve de célèbres caravagesques, des paysagistes ou des peintres d’histoire comme Joachim von Sandart qui a peint en

Joachim von Sandrart, 1630, huile sur toile, Rijksmuseum

Joachim von Sandrart, 1630, huile sur toile, Rijksmuseum

autre Odyssée et Nausicaa ,  d’autre part, les Bentvueghels comptent parmi eux des artistes spécialisés dans les scènes pittoresques appelés les Bamboccianti. Ce nom tire son origine de l’un des plus célèbres d’entre eux, Pieter van Laer, surnommé Bamboccio (« le pantin »).

La vie subie ou choisie ?

Ces artistes ont su nous livrer des témoignages intéressants concernant le fonctionnement anarchique de leur organisation et c’est à ce moment que l’iconographie intervient dans notre réflexion. Elle peut se décliner en deux points : le premier est la mise en scène  de leur propre vie par le biais de l’iconographie,  le deuxième traite surtout de la façon qu’ont eue les Bentvueghels de représenter une vie étrange qui ressemblait déjà à une mise en scène par son aspect troublant.
En effet, ces peintres cherchaient à représenter la ville de Rome au quotidien en tentant de se défaire de la quête d’une beauté idéale qui tenait à cœur à beaucoup d’artistes du XVIIe siècle.  Les Bentvueghels ont alors décidé de marquer leur identité, leur appartenance à ce groupe en représentant des scènes qui les caractérisaient. Ils se peignaient en honorant Bacchus à travers des tableaux de festin, ou encore en réalisant le signe de la « fica » jugé extrêmement insultant à l’époque, le pouce entre l’index et le majeur. Ces artistes choisissaient également leur propre décor, celui de la réalité, en peignant les tavernes  où s’exprimaient leurs mœurs particulières où la boisson enivrait et troublait les perceptions. Ce groupe a su s’affirmer et s’est servi de l’iconographie pour se représenter.
Par ailleurs, la bande formée par ces artistes n’avait de cesse d’accueillir de nouveaux adeptes, cependant cette intronisation se faisait selon un rite initiatique auquel devait se plier la nouvelle recrue.
Ce rite se composait tout d’abord de la création de tableaux vivants. En effet, c’est le cas du tableau ci-dessous de Roeland van Laer qui présente dans le fond une scène mythologique composée de nus en hommage au dieu du vin alors qu’au premier plan sont visibles des artistes s’adonnant au rite initiatique. L’homme en vert est l’initié, il est possible de le reconnaître grâce à sa position centrale et à l’homme qui le tient et lui indique la direction. L’homme assis, vêtu de blanc et portant une couronne de feuilles de vigne en hommage à Bacchus, est celui qui préside la cérémonie. Il tient dans sa main un rouleau qui lui donne autorité sur tous les autres.

Anonyme, 1660, huile sur toile, Rikjsmuseum

Anonyme, 1660, huile sur toile, Rikjsmuseum

Enfin, ces rites s’achevaient par des repas accompagnés de libations. Le tableau ci-dessous de Pieter Van Laer représente ce qui semble être une simple scène de taverne au départ. Cependant, il est possible de voir une mise en abyme de la vie tumultueuse de ces artistes par leur attitude et leurs expressions. Certains jouent, d’autres fument ou boient, un autre debout sur la table, dessine sur le mur. Leurs visages dépeignent tantôt une joie féroce, tantôt une profonde mélancolie.

Pieter van Laer, 1626-1628, fusain, Museo di Roma

Pieter van Laer, 1626-1628, fusain, Museo di Roma

Ces artistes permirent de mettre en avant la vie nocturne de Rome où se mêlaient misère et violence et tentèrent de réhabiliter en quelque sorte cette réalité que d’autres peintres dissimulaient derrière une beauté qu’ils sélectionnaient et transformaient. Les Bentvueghels se sont ainsi servis de l’iconographie pour marquer leur existence et dépeindre une réalité qui leur ressemblait. Ils nous ont  permis de récolter des instantanés de l’époque où le spectateur assiste au déroulement étrange et mélancolique de la vie des Bas-Fonds.

Clothilde Bollard-Duval

Webographie

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Guilde

Guilde : il s’agit d’une corporation qui regroupe plusieurs artistes placés sous la protection de la ville à laquelle ils appartiennent. La guilde leur permet de conserver la primauté sur le commerce et leur offre des sortes « d’aides sociales ». Il peut exister plusieurs guildes par ville, divisées selon l’activité exercée par ses membres.

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